Eté 1950

C’est la Fête de la Mer……

Depuis plusieurs jours toute la population s’active..
des banderoles de petits drapeaux  multicolores couvrent la grand- rue
d’une voûte bariolée qui ondule par vagues au moindre souffle de vent.

Des hauts parleurs accrochés aux lampadaires
déversent sans discontinuer des torrents d’accordéon musette .
Non loin de chez moi , sur l’emplacement d’une maison détruite
entre deux immeubles , on a dressé un podium sur lequel
des bandes de gamins font les pitres
en attendant les attractions promises par le comité des fêtes.

Les habitants de l’immeuble se sont réunis pour décorer la façade ,
cette année ils ont fabriqué un demi bateau superbe
qui sera suspendu au-dessus du portail ,
une barque magnifique coupée en deux dans le sens de la longueur ,
blanche et rouge , avec son mât , ses voiles et ses fanions .
Les gosses de l’immeuble , moi y compris ,
nous faisons photographier à l’intérieur pour la postérité
avant qu’elle ne couronne l’entrée du porche pour notre plus grande gloire.

De temps en temps , le vacarme « musical » cesse
pour laisser place à la réclame…..des messages tonitruants
pour vanter la boulangerie Machin ou la quincaillerie Untel ,
en remerciement de la collaboration des commerçants de la rue
sans lesquels ce jour de liesse ne serait pas ce qu’il est.

Devant la porte , sur le trottoir ,
au milieu des confettis et des passants hilares ,
je regarde une fenêtre ouverte au premier étage de la maison d’en face .
Papa est assis un micro à la main , et c’est sa voix dans les hauts parleurs ,
plus puissante que je ne l’ai jamais entendue , même quand il me crie après ....

Je tend le doigt et me met à hurler… 

»C’EST MON PERE !!...C’EST MON PERE !!! ».......