• Un jour ordinaire ... en 61 ...

     

    Fin de la guerre d’Algérie…

    l’OAS multiplie les attentats, des bombes explosent un peu partout , entre autre dans le quartier St Germain.

    Le métro s’immobilise le long du quai de la station Sèvres-Babylone , c’est là que je descend tous les matins avant de me rendre rue du Dragon.

    Ce jour là , la guirlande de voyageurs attendant de monter a fait place à un inquiétant cordon de CRS…noirs et casqués , bras croisés , …les portes du wagon coulissent dans un soupir interrompu d’un claquement sec. Avec d’autres , je descends…sous le bras, mon carton à dessin , la grande mallette de contreplaqué à la main.

    Trois hommes en noir m’entourent aussitôt et me demandent mes papiers…je pose mes affaires à mes pieds , fouille dans mes poches et sors ma carte d’identité…il faut préciser que je suis natif d’Alger , je m’attends au pire…brutalement celui qui se tient derrière moi me plie les bras dans le dos pendant qu’un autre me fouille sans ménagement…on m’ordonne d’ouvrir ma valise, pleine de tubes de couleurs , de pinceaux , de craies , de fusains et de crayons…ils s’en saisissent , la retournent et la vident en riant sur le quai.

    Alors qu’ils partent à la recherche d’une autre victime , à quatre pattes au milieu de mégots et vieux tickets , je ramasse mes instruments de travail pour les remettre en place avant que quelqu’un ne marche dessus , espérant qu’aucun ne soit tombé sur la voie et ne pas en oublier , parce que le moindre de ces objets coûte de l’argent….et l’argent c’est ce dont je suis le plus démuni.

     

    Je viens de terminer l’appel du matin. Comme chaque jour tout au long de ce rite quotidien , la porte d’accès à la salle de cours reste fermée , gardée par mon assistant…les retardataires attendent à l’extérieur que C. prenne leur nom et les laisse entrer l’un après l’autre.

    Debout sur l’estrade , j’observe le manège , je vois passer O. , un habitué , le seul arabe de l’atelier…il est marocain , brillantissime , d’une extraordinaire intelligence , il me fascine…nous connaissons tous son histoire…à l’origine , il était petit gardien de chèvres illettré dans le djebel…tout seul , il a appris à lire , s’est procuré des livres , de plus en plus pointus , s’est présenté au bac qu’il a réussi avec mention , a obtenu une bourse spéciale pour poursuivre ses études à Paris….et aujourd’hui il est là , en retard comme toujours , avec des excuses plus extravagantes les unes que les autres.

     

    Alors O. , c’est quoi aujourd’hui ?

    Tu me croiras pas , Massier , cette nuit mon foyer a sauté ,

    mais tu vois , j’suis pas mort !!

     

    Cette fois , j’étais sûr qu’il ne mentait pas..

     

     

    Un jour ordinaire ... en 61 ...

     


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