• Voyages..Rue Grégoire de Tours , minuscule chambre d’un hôtel au mois…le lit qui prend toute la place…interminables parties de cartes sur ce même lit avec la foule des amis de passages…connus ou inconnus…la fenêtre aux rideaux de dentelle…..celle d’en face , si proche qu’en tendant la main je pourrai presque la toucher....les deux enfants collés à la vitre qui me regardent quelle que soit l’heure….le bruit , les cris , les rires , tout le temps ..sommeil impossible ,….le restau grec en dessous , ou l’on s’entasse autour de longues tables , où les assiettes frôlent la tête en passant , où l’on mange pour moins cher qu’au restau U voisin ….les nuits de délires…la police qui frappe à la porte à cinq heure du matin pour vérifier les identités….Café Conti....notre quartier général , à l’angle de la rue de Buci  , le couple d’auvergnats bedonnants derrière le bar , qui nous considèrent comme leurs enfants turbulents , qui connaissent tous nos secrets , qui offrent le champagne pour fêter nos succés…Giacometti bourré...affalé sur le zinc , qui trinque avec nous…faune incroyable du quartier Latin des années 60 ..jours de folies..nuits de bonheurs…nous avions l’éternité…

     

    Rue de la Plaine à la Nation…studio en coin au dixième et dernier étage , grande baie vitrée et balcon tout autour …la vue sur les toits de Paris , les colonnes du Trône sur la gauche , le Mont-Valérien à l’horizon vert de Boulogne , le Sacré-Cœur à droite sur sa colline..je me sens le maître du monde…le ciel immense , partout…du bleu , du gris , les orages qu’on voit arriver de loin …les tempêtes sans obstacles qui secouent comme dans un phare , la pluie qui bat comme des embruns… la Patrouille de France le 14 juillet…  son sillon de fumée tricolore comme un ruban déroulé de l’arc de triomphe jusque sur ma tête…les soirées sans fins à refaire le monde…la lumière mordorée au petit matin….le Gloria de Vivaldi à fond les enceintes pour saluer le nouveau jour……

    Voyages..

    Humeur du jour..


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  • Voyages..

    Dernier étage sous les toits

    au dix de la rue Vivienne ,
    …hiver 61 glacial dans ma mansarde sans chauffage
    …la vitre constellée de merdes de pigeons sur un coin de ciel gris
    et de cheminées noires au-dessus de l’évier de pierre
    …le broc et la cuvette de faïence sous le miroir ovale ,
    décor d’un autre temps ,
    charme suranné de l’opéra de Puccini…
    le froid que je fuyais dans l’ambiance enfumée du bistrot
    à l’angle de la rue des Petits-champs
    avec un café crème que je faisais durer
    en regardant la façade noire de la Bibliothèque Nationale…..
    Jardins du palais Royal …
    le passage vers la galerie sous la fenêtre demi-lune 
    de la chambre de Colette …
    guetter son ombre…
    imaginer son regard noir me poursuivre
    alors que j’arpente à grands pas les dalles de grès usées
    le long des vieilles boutiques de timbres ,
    de vieux livres ou de décorations et médailles militaires…..
    les arbres dépouillés…le bassin gelé….
    la cour d’honneur avant l’outrage de Buren….
    longer les portes vitrées de la Comédie Française…
    traverser le terre-plein devant l’hôtel du Louvre …
    la rue de Rivoli …les guichets ..le flot des voitures ..
    le vacarme de Paris….…
    je laisse à ma droite l’arc de triomphe du Carrousel…
     la verdure et les arbres du square
    pas encore rasé  pour une pyramide…

     je pénètre enfin  la douce chaleur du Louvre ....
    une carte m’en donne l’accès gratuit…
    je vais m’y perdre pendant des heures en attendant la nuit
    où réfugié dans mon pigeonnier
    je chercherai le sommeil
    grelottant tout habillé sous ma mince couverture....

     

     

    .

     

    Chanson aux couleurs de l'humeur du jour....

     

    Voyages..


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  • Voyages..C’est un éclat de rire…tonitruant , dévastateur , gargantuesque…rabelaisien...c’est d’abord une énorme joie de vivre Christian.


    La première rencontre ….en 73 ... une rue paumée de Lima , il la remonte , je la descend sur le trottoir opposé…le sac à dos me scie les épaules…il m’interpelle :
    -Si tu cherches un pieu pour la nuit , pas la peine de continuer…que dalle derrière moi… !
     Nous avons poursuivi notre quête ensemble et ne nous sommes plus quittés tout au long de notre périple en Amérique du Sud.

     

    C’est aussi la pirogue qu’il se met à balancer hilare sur un bras mort de l’amazone dès qu’il apprend qu’il est dangereux de laisser traîner sa main dans l’eau à cause des piranhas…


    C’est le cigare qu’il allume sur le crête déchiquetée au-dessus de Machu Picchu alors que le manque d’air nous déchire les poumons…


    C’est la silhouette en poncho qui se découpe dans la nuit glaciale à l’arrière du camion qui nous ramène à Puno….bras en croix sous les étoiles à rire de nous voir grelotter serrés les uns contre les autres bercés par les voix graves d'un quatuor argentin qui nous serine les tangos de Carlos Gardel…


    C’est la grand place de La Paz … traversée au pas de l’oie dans les vapeurs d’alcool et le concert nocturne de klaxons furibards…


    C’est la panne de nuit au bord de la transaméricaine où  le nez au ciel dans le firmament constellé il m’isole Bételgeuse..


    C’est un coup de téléphone d’une capitale Africaine où il dirige les pompes funèbres…


    C’est une ballade sur les rives du lac de Genève où il est prof de Maths dans un cours privé…à refaire le monde en faisant des ricochets sur l'eau noire…


    C’est sa femme qui m’appelle pour me dire qu’il va très mal…rongé par le cancer..en phase terminale... il ne veut voir personne et la charge de me dire adieu…

     

    C’est cette église de la rue Boulainvilliers …où plein de gens que je ne connais pas rendent un dernier hommage à une absence….ses cendres dispersées depuis longtemps déjà


    C’est un rire qui s’est éteint…..et qui résonne encore dans mes oreilles.



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  • Voyages..Hier soir , j’ai revu le film « Il faut sauver le soldat Ryan »  de Steven Spielberg .

    Les images d’horreur sanglante sans doute très proches de la réalité m’ont ramené sur ces plages normandes , immenses et calmes aujourd’hui , cadre d’une enfance lointaine bercée par les échos mal éteins d’une tragédie encore présente sur un sable que le temps et les marées incessante ne parvient pas à effacer.

     

    Début des années 50 , but rituel des promenades scolaires de fin d’année , entassés dans un vieil autocar sous la surveillance d’un bataillon d’institutrices , les œufs durs , les sandwichs au pâté , la bouteille de limonade tiède du pique-nique dans un sac de sport sur les genoux…..aux revoirs larmoyants pour les plus petits , rigolards pour les autres , par-dessus les vitres baissées , à l’adresse des mères vaguement angoissées abreuvant leur progéniture de conseils aussi multiples qu’inutiles , perdus dans le joyeux brouhaha d’une bande de gamins à la veille des grandes vacances .

    Le moteur tourne , la ferraille tremble , la machine démarre doucement dans les cris et les chants cochons repris à pleins poumons , les mains s’agitent à l’extérieur comme à l’intérieur , le convoi décolle du trottoir devant les bains-douches voisins de l’école , ultimes adieux par la vitre arrière et cap sur les plages du débarquement .

     

    Une journée de liberté et de grands espaces , les maîtresses nous racontent le passé récent , tous ces jeunes américains venus libérer la France et pour beaucoup y trouver la mort dans ce qui n’est pour nous qu’une immense cour de récréation…..à nos oreilles , c’est de l’histoire ancienne , comme la révolution ou la guerre de cent ans , la leçon nous passe bien au-dessus de la tête tandis que nous jouons à cache-cache dans les blockhaus et les blindés rouillés à moitié enlisés entre carcasses de péniches et fils de fer barbelé.

    Les canons sont encore là , pointés vers le large , le bord de plage truffé d’énormes cratères envahis par les mauvaises herbes , formidable terrain d’aventures qu’on ne parvient pas à associer à la déflagration des obus qui les ont creusés et au sang qui a nourri les plantes . Même la visite des cimetières voisins et la cavalcade au milieu de la forêt de croix blanches n’entame pas notre bonne humeur….tout cela nous semble irréel et ne nous touche pas plus que quelques lignes noyées dans les pages de notre manuel d’histoire.


    Six ou sept ans ont passé , à notre âge c’est pratiquement la durée de notre existence , la nuit des temps , aussi lointain que les tranchées de 14 , faits d’armes héroïques qu’on voit au cinéma sans y croire , que l’on caricature naïvement entre nous quand on joue à « la petite guerre »….Pourtant tout nous en parle , c’est encore très frais dans la mémoire des gens et des lieux , nous baignons inconsciemment dans un début d’après guerre qui conditionne notre quotidien sans que nous puissions en mesurer l’exacte réalité.

    Sur les écrans , dans nos bandes dessinées , dans la musique même , tout fait référence au conflit planétaire qui continue d’alimenter les conversations adultes , nos héros de ciné , Gary Cooper ou John Wayne , on les imagine difficilement autrement qu’en uniforme…..jusqu’à cette réaction d’une femme inconnue croisée dans la rue qui à la vue de mes cheveux blonds invectiva vivement ma mère la soupçonnant d’avoir eu des relations coupables avec un « boche »….



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  • Voyages..

    Beer

     Barrel Polka….
    ça ne vous dit rien….....
    le contraire

    m’étonnerait beaucoup…

    Un air qui m’est familier…

    toute mon enfance…
    et bien au-delà..

    j’entendais mon père

    le siffloter très souvent…....
    une de ses chanson fétiche…...
    probablement

     SA chanson fétiche….
    toute la famille connaît l’origine de cet engouement…

    de cette drogue musicale…

    et ce serait bien gardée d’en interrompre le cours....

     

    Fin avril 1945….la guerre tire à sa fin….

    pour mon père bientôt le terme de six années d’un angoissant tunnel…...

    il va avoir 25 ans au mois d’août…

    depuis ses 19 ans il n’a connu rien d’autre…...

    pour l’instant il est avec quelques camarades sur la passerelle du cuirassé « Lorraine »….....

    devant la poche de Royan âprement défendue par d’importantes troupes allemandes…

    les péniches de débarquement voguent vers la plage sous le tir nourri des batteries ennemies…..

    les canons des navires ripostent sans discontinuer…

    c’est l’enfer….

    la gigantesque masse d’acier louvoie entre les geysers des obus…

    à tout moment il peu en tomber un sur les hommes de barre…

    une bande de gamins terrorisés….

    qui pour se donner du courage et couvrir le tonnerre dantesque des explosions

    a mis la musique à fond….

    le dernier air à la mode…repris en cœur…

    le tube de l’époque….

     

    Beer Barrel Polka…

     


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