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    1952

     

    Dans la cour de récré , on se groupe par affinités …..

    ceux qui jouent aux gendarmes et aux voleurs , à la balle aux prisonniers , les plus calmes aux osselets , ceux qui ne jouent pas et restent dans leur coin , d’autres en rond , têtes contre têtes en d’étranges conciliabules , au milieu de cette joyeuse pagaille , trois institutrices bras-dessus bras-dessous , fendent la foule des gamins, frétillantes , papotantes , souriantes , dans un incessant va et viens , prêtes à mettre fin à d’éventuelles bagarres . Quand à moi , avec quelques autres , nous avons entamé un tournoi de billes , le long du mur , en un endroit où la terre a regagné un peu d’espace sur le goudron ;

     

    « A bien ou à mal ??? » ( à bien on rend les billes gagnées , à mal on les garde )

    « A la ligne ou à l’œil ??? »… »billes de terres ou agathes ??? » ou le super luxe « billes de verres ?? »….on se met d’accord , on joue , on s’engueule , le sac de billes accroché à la ceinture , jusqu’ à ce que le carillonnement de la cloche nous rappelle à la réalité….On se retrouvera à la sortie pour poursuivre à l’extérieur , sur le trottoir en terre battue le long du mur de l’école.

     

    La maîtresse nous a distribué des carnets de timbres « Anti-tuberculeux » , à charge pour nous de les vendre et de ramener les sous à l’école.

    Certains de famille fortunée n’en n’ont cure , ils savent bien que leurs parents vont leur en prendre la totalité , d’autres , comme moi , n’auront pas cette chance , il va falloir les vendre dans la rue , et ça ne va pas être du gâteau , la concurrence sera sauvage.

    Je sais que je pourrai me débarrasser de quelques uns auprès des voisins , deux ou trois chez moi , pour le reste….

     

    « Monsieur ! , Voulez-vous un timbre !?? C’est pour la tuberculose !! »

    « Madame !!..Voulez-vous un timbre !?? »…j’ai horreur de çà , mais je ne peux pas me permettre de remettre les pieds à l’école avec des invendus , ce serait trop humiliant….alors je prend mon air le plus minable et je continue….

     

     

    Timbres antituberculeux ...


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    Qui se souvient de toi.. ? …

    figure emblématique du quartier latin…de mes années d’étudiant..

    on te voyait partout à toute heure , de St Germain des Prés à la Contrescarpe ,

    juché sur ton vélo couvert de fleurs…fleurs encore dans ta barbe…

    accoutrement de fou des cours royales d’un autre temps ..

    je te revois semant la bonne parole à la terrasse des cafés

    devant des publics de potaches hilares…

    je te revois sur la place de la Sorbonne en mai 68 ,

    haranguant la foule déchaînée de jeunes enragés

    du haut de la statue d’Auguste Comte …réclamant sous les vivas….

    l’ouverture de Mounastères et des vélos pour tout le monde…

    sous les pavés la plage…tu aurais pu être l’auteur de ce slogan…

    .Aguigui…qui se souviens…

     

    Aguigui Mouna ...


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  • Dernier étage sous les toits au dix de la rue Vivienne , …

    hiver 61 glacial dans ma mansarde sans chauffage ,…

    la vitre constellée de merdes de pigeons sur un coin de ciel gris

    et de cheminées noires au-dessus de l’évier de pierre …

    le broc et la cuvettes de faïence sous le miroir ovale ,

    décor d’un autre temps , charme suranné de l’opéra de Puccini…

    le froid que je fuyais dans l’ambiance enfumée du bistrot

    à l’angle de la rue des Petits-champs

    avec un café crème que je faisais durer

    en regardant la façade noire de la Bibliothèque Nationale…..

    Jardins du palais Royal …le passage vers la galerie

    sous la fenêtre demi-lune de la chambre de Colette …

    guetter son ombre…imaginer son regard noir me poursuivre

    alors que j’arpente à grands pas les dalles de grès usées

    le long des vieilles boutiques de timbres , de vieux livres ou de décorations

    et médailles militaires…..les arbres dépouillés…le bassin gelé….

    la cour d’honneur avant l’outrage de Buren….

    longer les portes vitrées de la Comédie Française…

    traverser le terre-plein devant l’hôtel du Louvre …la rue de Rivoli …

    les guichets ..le flot des voitures ..le vacarme de Paris….…

    je laisse à ma droite l’arc de triomphe du Carrousel…

    longe la verdure et les arbres du square pas encore rasé pour une pyramide…

    et je pénètre enfin dans la douce chaleur du Louvre ,

    une carte m’en donne l’accès gratuit…

    je vais m’y perdre pendant des heures en attendant la nuit

    où réfugié dans mon pigeonnier

    je chercherai le sommeil grelottant tout habillé sous ma mince couverture..

     

    Ma bohème ...


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    Octobre 52

    Ce matin , sur le chemin de l’école

    nous avons ramassé des feuilles mortes..

    Celles qui avaient les plus belles couleurs…c’est le mois d’octobre ,

    depuis quelques jours déjà , les vacances sont rangées au magasin des souvenirs ,

    nous les avons même racontées en détail dans notre première rédaction.

     

    Aujourd’hui nous avions pour mission de ramener des feuilles.

    Le long des fortifications jusqu’à l’entrée de l’Arsenal , avant le pont sur la Douve , je passe chaque jour sous une belle rangée d’arbres , je m’enfonce avec volupté dans un épais tapis multicolore et crissant sous la semelle , je n’ai que l’embarras du choix….je fourre les plus jolies dans mon cartable et presse le pas pour ne pas être en retard , je traverse la rue de l’Abbaye , remonte la rue Hippolyte de Tocqueville , dépasse la crémerie Vovard et le tabac en face , à gauche la rue de la Bucaille , à droite halte dans la petite échoppe de la vieille marchande de bonbons…le dingdong de la porte vitrée , quelques pièces de la monnaie des commissions contre un rouleau de réglisse avec une perle rouge au milieu et trois bâtons que nous appelons « bois de jus » , on les mâche pendant la récré jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un infâme entrelacs de filasse blanchâtre……je continue à gauche , passe la clinique et débouche rue Dujardin devant l’école des filles…encore quelques dizaines de mètres au long des terrains de billes et j’entre dans la cour…la cloche sonne , nous nous mettons en rang par classes et montons en bon ordre jusqu’à notre place où nous nous asseyons après autorisation de la maîtresse.

    Nous sortons nos feuillages…l’institutrice nous apprend à identifier l’arbre à partir de la forme de la feuille , ensuite il nous faut sortir les boîtes de couleurs et la dessiner , en approchant au plus près les nuances flamboyantes……

     

     

    Le chemin de l'école ...

     

     

     

     


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    La Trinité …

    Les dimanches matins interminables de mon enfance …

    en ce même lieu … immobile … intemporel ..

    toujours ces odeurs d'encens et de cire refroidie …

    encore dans les oreilles le son de clochettes des enfants de choeur ..

    et des litanies sacrées soporifiques... tandis qu'à genoux

    sur le bois inconfortable du prie-Dieu ,

    je détaillais tête baissée la mosaïque séculaire du carrelage …

    en pensant à la gourmandise pâtissière que je pourrai choisir rue de la Paix

    sur le chemin du retour 

    en couronnement de l'éternel rosbif hebdomadaire...

     

    Sainte Trinité ...

     

     

     

     

     

     

     


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